La première fois que j’ai rencontré David Foenkinos, j’ai eu cette sensation familière de le connaître depuis toujours, nous sommes à première vue très différents mais partageons de nombreux points communs dont celui du goût certain pour les belles rencontres.
Notre rencontre je la dois à l’amour que je porte à son livre « les souvenirs », ce livre m’a ouvert la porte de son univers qui me parait si proche du mien. J’aime son humour, sa faculté à raconter avec fantaisie le temps qui passe, l’amour qui naît ou s’essouffle.
Je l’ai aussi découvert cinéaste à travers son film « la délicatesse » adapté de son livre et réalisé avec son frère, Stéphane Foenkinos, qui est un bijou de poésie. Il a réussi le difficile pari de poser des images sur la délicatesse de ses mots sans en estomper la force. Bravo David !
D’ailleurs sachez que Jean Paul Rouve vient d’acheter les droits de son livre « les souvenirs », le tournage vient de commencer, autant vous dire que j’attends avec impatience sa sortie dans nos salles obscures.
Je suis si honorée aujourd’hui de partager cet entretien avec David, fière aussi car je sais que ce n’est pas donné à tout le monde.
La vie, je l’aime avant tout pour ces quelques signes du destin et ces quelques parts de hasard qui vous permettent de faire des rencontres déterminantes.
En relisant nos quelques échanges, je n’ai qu’une certitude, celle qui me fait penser que vous aurez une envie folle de le découvrir, que vous allez commencer par acheter l’un de ses livres, puis 2, puis 3…..Jusqu’à ce que vous attendiez la prochaine sortie littéraire, je vous rassure David ne nous laisse jamais plus d’un an sans rien avoir à lire de lui. Dans quelques jours « la tête de l’emploi », la version longue de « Bernard » vous attendra bien au chaud chez votre libraire préféré.
En septembre prochain le livre « Charlotte » sera également édité, il vous en parle dans l’interview surement le roman qui lui tient le plus à cœur.
Je finirai par dire que David est un homme authentique, profondément humain qui n’a pas oublié de VIVRE sa vie. Son don pour l’écriture fait de lui un homme libre et fait de nous des lecteurs avertis sur la nécessité du droit au bonheur à chaque saison de notre vie.
Te souviens-tu de notre première rencontre ?
Je me souviens plus très bien comment elle est arrivée. Mais je m’en souviens très bien, on a pris un café au MK2.
Le lien c’est quelque chose d’essentiel pour toi ? Une source inépuisable d’inspiration aussi ? non ?
Oui, quand tu es écrivain tu fais des aller retour en permanence, il y a des moments ou tu as besoin de te nourrir des gens, besoin de les rencontrer, c’est aussi pour ça que j’ai adoré faire du cinéma parce que pendant 2 ans…enfin le tournage a duré quelques mois… mais c’était une longue préparation, avec les techniciens, avec les acteurs, avec Emilie Simon.
J’avais vraiment besoin d’une aventure collective dans ma vie….mais le lien est tout aussi important que la solitude, j’adore aussi rester des journées entières sans voir personne….tu ne peux pas être écrivain si t’as pas….Moi j’ai la chance de beaucoup voyager, d’être traduit partout, de rencontrer tellement de personnalités, de cultures différentes…t’as vraiment besoin de te nourrir de tout ça, non c’est impossible autrement, la création ne vient pas de nulle part.
A quel moment t’es tu rendu compte de ton don pour l’écriture ?
C’est étonnant car spontanément je n’emploierai pas le mot « don » mais disons que je m’en suis rendu compte…D’accord je l’ai déjà raconté, je n’ai pratiquement pas lu avant 16 ans, je ne suis pas du tout issu d’un milieu littéraire, j’ai été très gravement malade, j’ai passé des mois à l’hôpital, j’ai été opéré du cœur. Cette période m’a éveillé, ça m’a ouvert à la sensibilité, d’une manière générale, je me suis mis à peindre, j’ai fait des études de musique et à ce moment là j’ai commencé à écrire, beaucoup de lettres, j’adorais écrire des lettres et j’ai senti que étrangement je savais le faire. Après j’ai commencé à écrire des nouvelles c’était très mauvais, mes premiers romans étaient catastrophiques….Mais j’ai senti que c’était mon excitation, que j’avais besoin de m’exprimer par les mots après je ne me suis pas dit, à part pour les lettres, que j’étais spécialement doué.
13 livres, 1 film, une pièce de théâtre, à presque 40 ans, quel regard portes-tu sur ta réussite ?
Presque 40 ans merci ! (il éclate de rire)… mais tu as raison… je porte avant tout , un regard de satisfaction par rapport à une seule chose, qui ait la liberté, je suis vraiment heureux de pouvoir vivre pleinement de ce que j’aime, de n’avoir aucune contrainte, d’être complètement libre, d’écrire les livres que je veux, c’est plutôt ça ma réussite d’avoir accédé à une liberté totale. Après la délicatesse j’écris un livre sur une artiste allemande, charlotte Salomon qui est très important pour moi, j’ai vraiment la liberté, je n’ai aucun compte à rendre à personne et j’ai la liberté d’écrire ce que je veux
Tu m’as devancé puisque la question suivante est : Vivre de ses mots, de sa passion n’est il pas la plus belle forme de liberté ?
C’est plus que devancer c’est exactement la réponse que je viens de donner. Et au delà de vivre financièrement c’est aussi la liberté d’exercer quelques chose qui n’est liée à personne. Au cinéma on est toujours tributaire de beaucoup de monde, des financiers…la littérature, l’écriture quand on peut en vivre c’est vraiment un terrain de liberté totale où on peut créer son monde, où on peut passer des mois et des années même dans un univers qui est le sien sans avoir de compte à rendre à personne, sans avoir à montrer à personne. Ça c’est presque une liberté dans la liberté.
Je me souviens d’une phrase que tu as écrite dans « je vais mieux » qui reflète à merveille le sentiment amoureux « En parcourant de son doigt ma cicatrice, Pauline venait de faire de moi une seule et même personne. Elle me rassemblait », l’amour est l’essence même de tes romans, tu sembles être un éternel amoureux, d’où te vient cet amour certain pour la passion amoureuse ?
Ce qui m’a touché dans le fait que tu cites ce passage c’est que…étrangement c’est un livre qui fait 400 pages et t’as trouvé peut être la seule phrase très personnelle. C’est une des clés assez importante où dans la fiction parfois tu peux mettre des pépites d’intime. Je te parle librement parce qu’on est sur ton blog mais je ne pense pas que l’amour est l’essence même de mes romans et d’ailleurs même quand tu ouvres la page wikipedia, tout le monde a un problème avec sa page wikipedia, c’est presque marrant, je fais beaucoup de rencontres littéraires et quand on commence à me présenter je sais très bien que c’est la fiche wikipédia qu’on est en train de me réciter et dans la page wikipédia il y a le fait que je décline les thèmes de l’amour dans mes romans. Il me semble…enfin je trouve que l’amour est un thème passionnant et je répondrai à ta question après….j’ai écrit 13 romans et c’est vrai que le plus connu c’est « la délicatesse » et c’est une histoire d’amour mais après j’ai écrit un livre sur John Lennon, sur la vieillesse, sur la mémoire, je ne pense pas que dans le livre « je vais mieux » le thème central ce soit l’amour, je dirai que 3 ou 4 romans sur 13 parlent d’amour. Ça me dérange pas du tout qu’on m’identifie à l’amour mais ce n’est pas mon thème de prédilection ; Ce qui m’intéresse c’est de raconter des histoires, de parler de personnages, de parler de parcours, d’étrangeté et forcément dans nos vies il y a toujours la question sentimentale présente. Je trouve ça d’ailleurs majeur dans chaque vie, les relations affectives : amoureuses ou avec nos enfants mais ce n’est pas mon thème de prédilection.
Le monde actuel nous pousse à vivre à 100 à l’heure, à sur communiquer sans cesse, quels sont tes petits secrets pour ne pas te laisser envahir et te reconnecter à l’essentiel ?
J’ai un métier qui me permet ça, j’ai un métier ou je vis pendant des heures et des heures dans une bulle ou je peux comme ça presque comme un psychopathe rester 2-3 heures sur une phrase, je ralenti chaque phrase, chaque point, chaque virgule, j’ai pas l’impression d’être dans une course effrénée, très souvent d’ailleurs je suis plus souvent dans une bulle, dans la lenteur…après ça ne m’empêche pas d’avoir une vie à 100 à l’heure, je voyage énormément, j’ai fait 5 pays au mois de novembre, je suis tout le temps dans un mouvement de lieux, de rencontres, de gens mais j’ai la chance d’avoir des longs et des vrais moments d’arrêt. Ma sécurité elle est là , mon travail nécessite une coupure, il y a pleins de moments ou rien ne m’intéresse à part écrire des phrases.
Tu voues une adoration pour les escarpins ? est-ce pour toi l’aboutissement de la sensualité ? Ou préfères-tu encore quand une femme nettoie ses fenêtres ?
Dans mes livres je parle souvent des cheveux, c’est vrai que la féminité revient très souvent dans mes livres, c’est évident que mon inspiration principale c’est Truffaut, il y a un amour très fort pour la féminité dans tous mes romans, l’affiche de la délicatesse c’est Audrey Tautou qui touche ses cheveux, il y a quelque chose comme ça d’un rapport fasciné aux femmes et c’est vrai que les cheveux on m’en parle souvent mais on me parle moins souvent des souliers ou des escarpins mais c’est vrai que d’une manière générale je suis très classique dans mes goûts, dans mon rapport à la féminité donc c’est vrai que j’adore les talons ça c’est certain, d’ailleurs je parle d’une scène comme ça dans la délicatesse ou je parle des chaussures et des talons avec grand désir, par contre le héros qui fait laver les vitres à sa femme dans le potentiel érotique de ma femme ce n’est pas du tout mon fantasme. C’est marrant d’ailleurs car c’est un livre qui a été pas mal lu et j’ai reçu des lettres de femmes qui me proposaient de venir laver les vitres chez moi tout comme on croit que quand on prend un café avec moi il faut prendre un jus d’abricot à cause de la délicatesse et évidemment je ne suis pas du tout un psychopathe du jus d’abricot.
Si tu avais la possibilité de changer quelque chose de ton passé, le ferais tu ?
Ça c’est une question intéressante….non je ne crois pas…Je réfléchis pour te répondre honnêtement…D’une manière intime et personnelle, non même en ne voulant pas te répondre je te réponds que je ne changerai rien. Bizarrement si il y a des choses que je changerai ce sont des choses artistiques, je suis obsédé par le début de la délicatesse (le film), j’ai toujours pensé que c’était très difficile de filmer le bonheur, je suis très heureux du film, je ne changerai pas des choses majeures mais bizarrement j’ai trouvé….ça peut arriver parfois quand on fait un film de trouver la clé de quelque chose qui nous frustrait qu’on n’arrivait pas à résoudre 2 ans après….alors 2 ans après j’ai compris la façon dont je voudrais faire le film, je vois très bien ce que j’aime dans le film mais je vois aussi ce que j’ai raté et j’ai enfin trouvé la façon dont je ferai le début mais ça serait trop long à raconter.
La vie mérite t-elle d’être vécue sans amour ?
Non et je ne vois pas comment je peux développer une réponse autour de ça, toute l’expression de cette phrase tourne autour du mérite. Est ce qu’une vie peut valoir son essence hors amour, a priori oui on peut vivre une vie sans amour mais elle n’aurait aucun intérêt. Après ça dépend ce qu’on met dans l’amour : est ce que c’est l’amour physique, l’amour affectif, l’amour des amis, de la famille mais d’une façon générale je pense qu’on ne peut pas vivre sa vie sans aimer.
Je te demande de me répondre sans trop réfléchir en argumentant brièvement
Si tu étais une citation, tu serais…..
Il y a une citation que je cite, qui est assez sinistre dans « je vais mieux », c’est une citation de Cohen « chaque homme est seul et toutes nos douleurs sont une ile déserte » ou alors il y a une phrase que j’adore qui est une phrase d’Aragon, elle est moins glauque « en vain la raison me dénonce la dictature de la sensualité », j’adore cette phrase, j’adore cette citation de la dictature de la sensualité, je trouve qu’on y est soumis en permanence, ça peut être d’ailleurs la sensualité qu’on trouve dans les paysages, dans les livres, j’adore l’idée qu’on puisse être soumis à l’émotion esthétique en permanence, cette dictature là , je la trouve majeure.
Si tu étais un pays, tu serais……
L’Allemagne, d’ailleurs j’aurais pu choisir d’autres pays, la Russie ou les états unis ou je vais souvent, mais je vais choisir l’Allemagne, j’ai un plaisir un peu étrange à retourner en Allemagne, mon livre sur charlotte Salomon, c’est le premier ou il y a quelques phrases très personnelles, je parle de mon rapport un peu étrange à l’Allemagne. Je suis fasciné par la langue allemande, j’ai toujours dit que c’était ma langue préférée, j’ai une admiration très forte pour beaucoup d’artistes allemands des années 30. J’aurais pu dire la Suisse aussi je parle toujours de la suisse dans mes livres ou la Pologne, il y a toujours des polonais. Mais si tu me demandes un pays c’est Allemagne car il y a une sorte de bien être un peu étrange. Pour moi l’Allemagne c’est le pays qui est l’union entre la France et tous les pays de l’est.
Si tu étais un film, tu serais……..
Ecoute comme je reviens de Tokyo je dirai Lost in translation. Je trouve qu’il y a du sentiment, de l’humour et en même temps c’est très esthétique. Ça me touche aussi quand par moment on est perdu, alors évidemment on est perdu parce qu’on est à l’étranger mais la vraie perte dans ce film, c’est la perte de soi, il y a des moments où l’on se trouve à l’autre bout du monde ou même chez soi et on a des doutes sur tout. C’est un très beau film sur la perte de deux êtres qui ne savent plus trop pourquoi ils sont là, c’est ce qui les animent d’ailleurs et qui subitement à travers quelques rendez vous se touchent, ils sont émus, dans un rapport sensuel ,fou…dans un contexte tellement drôle qui est que quand on débarque au JAPON et qu’on ne comprend rien aux codes japonais c’est une double perte et en même temps je trouve que c’est très positif. Ça me parle particulièrement parce que j’aimerais bien rencontrer Scarlett Johansson dans un hôtel.
Si tu étais un livre, tu serais……
Si j’étais un livre je pense que je serai « un homme » de Philippe Roth. « Un homme » c’est un livre très court, très dense d’une puissance extrême où il y a tout, il a y tous les sujets qui me touchent : la vieillesse, l’amour, les femmes, la maladie.
Si tu étais une femme, tu serais….
Si j’étais une femme…..je ne sais pas si j’aurais envie d’être une femme très brillante ou très belle, on peut être les deux on est d’accord je ne dis pas le contraire. Mais est-ce que j’irai chercher un emblème de la beauté ou….est ce que j’ai envie d’être Simone de Beauvoir ou Scarlett Johansson tu vois ? Si j’étais une femme…Je pense que je serai…Je ne peux pas dire Charlotte Salomon car son destin est trop tragique…Je dirai Sofia Coppola, la fille d’un génie, elle fait des films que je trouve très intéressants, c’est une artiste très étonnante, moderne. Après tu sais les interviews dépendent toujours du contexte. J’aurais pu citer Woody Allen pour le film, un autre livre mais là à ce moment précis je suis dans une atmosphère…..Lost in Translation….je suis allé sur tous les lieux du tournage à Tokyo, c’était de bons moments.
Tes livres, bien que très drôles, sont souvent empreints de nostalgie, les souvenirs nous rendent d’ailleurs souvent nostalgique d’une époque, quel est l’un de tes plus beaux souvenirs ?
Un de mes plus beaux souvenirs ? A vrai dire…Tu vas croire que je parle encore de Charlotte Salomon mais j’ai travaillé très longtemps sur elle, j’ai fait beaucoup de recherches, j’ai tenté d’écrire le livre tellement de fois et à un moment donné je me suis enfin décidé à aller sur tous les lieux de sa vie, donc je dirai que l’un de mes plus beaux souvenirs, j’en ai plein des souvenirs incroyables, c’est quand j’ai été visiter l’appartement ou a vécu Charlotte Salomon, ça a été très très fort pour moi. Charlotte Salomon c’est avant tout un choc esthétique, c’est une artiste qui me touche par sa profondeur, j’aime ses tableaux, j’aime ce qu’elle écrit, je l’admire artistiquement. Après j’aurais pu te trouver des souvenirs plus marrants, j’ai fait des rencontres parfois improbables, j’ai rencontré tellement de gens, je suis d’ailleurs toujours très curieux de rencontrer de nouvelles personnes. J’ai le souvenir d’un diner avec François Hollande et Johnny Halliday complètement improbable même Sarkozy à l’Elysée ce sont des souvenirs marquants après il y a en tellement de beaux souvenirs. J’ai déjeuné par exemple avec Bernard Frank, qui est un écrivain que j’adore qui est mort il y a quelques années. Mais gardons Charlotte car ça a été un souvenir très très fort.
Vieillir ça te fait peur ? Quel rapport entretiens-tu avec le temps qui passe ?
Tu te trompes, pour une fois c’est bien. Là où je pense que tu te trompes c’est qu’on peut ressentir la nécessité de vivre les choses, la nécessité d’être libre, la nécessité de profiter aussi de chaque instant parce que je suis avant tout un survivant. On sent dans mes livres que parfois….toute mon énergie vient du fait que j’ai failli mourir, du coup il y a un goût pour la jouissance, pour la vie, pour le plaisir qui est complètement différent donc on peut associer ça à une angoisse de vieillir parce que cette boulimie, cette nécessité d’attraper la vie peuvent être liées à une angoisse de la mort mais moi ce n’est pas du tout le cas au contraire j’ai le sentiment d’être très vieux déjà et que la vieillesse m’attend.
Que faut-il faire au moins une fois avant de mourir ?
C’est une bonne question….il faudrait déjà essayer de vivre, ça serait déjà pas mal, tout le monde ne vit pas, certains ne sont que dans la parenthèse de leur vie.
Je t’avais demandé de me transmettre quelque chose qui te tenait à cœur mais avant cela permet moi de te lire ce texte :
« En cas de bonheur, ne pense plus à nos séparations, les cœurs autonomes sont tout aussi doués pour le bonheur. Ecoutons la délicatesse de Lennon, entre les oreilles tout s’apaise. Pardonne-moi pour Bernard et David car après tout qui se souvient de David Foenkinos ? Je vais mieux depuis que le saule pleureur de bonne humeur reprend des couleurs. Je vais mieux depuis que le petit garçon qui disait non s’est enfin décidé à dire OUI. Je vais mieux d’avoir lu le potentiel érotique de ma femme. Et puis n’oublions pas mon ange, l’amour sans jalousie est comme un polonais sans moustache. Je suis encore sous l’influence de deux polonais qui pensent que la vie c’est plus facile à deux, quelle belle inversion de l’idiotie ! »
J’adore, c’est un beau cadeau, il faut que tu rajoutes « la tête de l’emploi » et « Charlotte » si tu veux être à la pointe de la pointe mais c’est magnifique, merci.
L’objet c’est le livre de l’œuvre intégrale de Charlotte mais il est épuisé, il y aura peut être une nouvelle édition. J’ai vécu avec ces dessins pendant des mois et des mois, le livre vient de là, c’est vraiment un objet très important pour moi. Ce qui me touche c’est un rapport esthétique et puis tu sais parfois ça ne s’explique pas, on a des goûts qui sont définis, qui existent, qui préexistent parfois, qui nous devancent et moi quand j’ai vu son œuvre c’était tout ce que j’aimais, ça correspondait à un mélange de choses que j’aimais. J’adore la peinture allemande, j’adore Beckmann, j’adore Otto Dix, j’adore Munch aussi…Elle correspondait à mon goût esthétique très fort et en même temps j’ai tout de suite remarqué qu’il y avait chez elle une très grande puissance et une folie obsessionnelle. Quand elle dessine un homme elle peut le dessiner sur des dizaines et des dizaines de pages, regarde là (il me montre les dessins au cœur du livre) , elle dessine, elle écrit, alors que c’est une œuvre qui a été créée dans l’urgence, il y a des photos d’Alfred sur des pages entières et j’ai trouvé que c’était un mélange parfait entre la puissance de la création et en même temps quelque chose de très émotionnelle.
Après cette interview, je me suis documentée sur la vie de Charlotte Salomon, impossible de rester insensible au parcours de vie intense de cette formidable artiste, je vous en raconte en quelques mots sa courte et douloureuse existence :
Alors qu’à peine âgée de 23 ans elle vient d’assister au suicide de sa grand-mère, Charlotte Salomon apprend par son grand-père un secret familial – toutes les femmes de sa famille, dont sa mère, ont mis fin à leur vie – elle décide pour conjurer cette fatalité de créer « quelque chose de vraiment fou et singulier ». La jeune artiste juive allemande a fui Berlin un an auparavant pour se réfugier dans le sud de la France, à Villefranche, auprès de ses grands-parents. Charlotte Salomon fait face à la fois à l’avancée inexorable de la guerre et à la terrible révélation. Elle se met fiévreusement à l’ouvrage. En moins de deux ans, elle crée une œuvre complexe mêlant peinture, écriture et musique.
Un cheminement fulgurant de 1325 gouaches, depuis la première image, celle du suicide de sa tante en 1913, dont elle porte le prénom, jusqu’à celle où, en 1940, elle choisit de vivre, de devenir artiste et se représente face à la mer, portant sur son corps le titre de son œuvre : “Leben ? oder Theater ?” Vie? ou Théâtre? « C’est toute ma vie » dit-elle au médecin de Villefranche lorsqu’elle lui confie son œuvre en 1943. Quelques mois plus tard, Charlotte Salomon est déportée à Auschwitz où elle meurt dès son arrivée.
Afin de clore en beauté cet article je vous quitte en photos.
…Mes trésors de livres…
…Quelques souvenirs de notre entretien…
…Un peu de délicatesse…
…Quelques œuvres de Charlotte Salomon…
Bravo pour cette interview, j’ai passé un agréable moment en le lisant
[…] première était la sortie prochaine de son treizième livre, « Charlotte », pour rappel voici ce que nous nous étions […]